Tout ce que j’écris tourne autour de la question de l’identité, de sa construction, de ses difficultés
jusqu’à ses possibles effondrements. Dans cette construction, la question de l’amour y est fondamentale.
C’est dans et par l’amour (et les tentatives pour donner sens à ce simple mot « amour »…) que le
rêve d’une authentique rencontre de l’autre devient possible, mais c’est aussi le lieu de toutes les
jalousies, de toutes les illusions fusionnelles, des risques de dépendance et de soumission, des
désirs narcissiques, des obsessions, de la frénésie de séduction…
Essayer de raconter une construction amoureuse, qui frôle les abîmes sans y sombrer, qui s’égare
pour mieux comprendre l’autre, qui raconte, au-delà de l’amour, des figures ambigües en quête
d’elles-mêmes.
Ce texte sera un monologue, parole adressée à un autre absent et problématique, rêve ou fantasme
d’un autre toujours déjà évanoui, perdu et qu’on reconstitue par le souvenir et la parole. Parler pour
ne pas laisser l’autre s’évanouir, le retenir par les mots, le reconstituer, réinventer l’histoire pour
mieux la rendre signifiante. Parler jusqu’à ne plus savoir si ce qu’on dit est le vrai ou le faux, le vécu
ou l’inventé. La naissance de la parole est dans un avant qu’on découvre, éparpillé et chaotique,
une nappe confuse de souvenirs et de traces abandonnées qu’il va falloir réorganiser, réinterpréter
ou, quand la trace ne pointe plus rien, entièrement fabuler. J’ai toujours été fasciné par ces formes
étranges de l’écriture que sont le journal intime, la correspondance, le carnet de voyage ou le cahier
de brouillon. C’est à partir de ces types de textes, fragmentaires et dispersés, que la parole se
reconstitue et se libère.
Ce qu’on ressent est-il bien de l’amour, ou simple amitié érotisée, conjugalité rassurante, sensualité
exacerbée, désir de désir jusqu’au vide de l’autre, ou encore passion destructrice et avilissante ?
Ces questions seront ressassées et reformulées et réinterrogées et reprises de doute en doute
jusqu’au vertige.
Une figure féminine qui se cherche et essaie de comprendre la part constitutive d’elle-même qu’elle
ne peut plus faire sienne. Elle reste ivre de désir d’amour et ne peut plus supporter l’autre, elle ne
supporte plus la solitude et la désire comme un échec, elle se sait innocente de son histoire et la
ressent comme une faute. Construire le réseau de ses métamorphoses et de ses postures, de ses
colères et de ses abandons.
Cette question de l’amour résonne avec d’autres qui l’obscurssissent. Les règles sociales, les convenances, les interdits qu’on s’impose, les livres qu’on idéalise, les engagements qu’on renie tissent
un autre réseau où la figure se fissure et se perd.
Il ne s’agit pas de faire l’éloge de la confusion et de la perte de sens, d’exalter le chemin morbide d’un renoncement,
mais bien de raconter le cheminement d’une figure, à travers le labyrinthe de ses peurs et de ses échecs, vers plus de lumière sur son propre advenir à elle-même…
DOMINIQUE RICHARD, FÉV. 2017