À PROPOS DE ROSEMARIE
Pour ceux qui ont eu 10 ans, et ceux qui auront 10 ans
Les saisons de Rosemarie parlent des tentatives et des efforts qu’il faut produire pour devenir un adulte.
Des choses simples en fait, comme travailler, penser très fort à quelqu’un, savoir que les parents peuvent se détacher de leurs enfants, que les enfants se rendent compte que le monde est hostile….
Aujourd’hui, les enfants sont gardés, protégés, maintenus à distance, ils se laissent atrophier.
Au sein d’une société bridée par les hiérarchies et les comportements stéréotypés, les bras et les jambes frêles de Rosemarie, la colère qui se lit sur son visage, sont le reflet de quelqu’un qui ne s’amuse pas facilement.
Elle est confrontée à une situation de crise, où les rapports sont bloqués. Sa force d’adaptation et sa persévérance grandissante jaillissent, elle convoque sa faculté de jugement et une formidable capacité d’agir.
Rosemarie n’est pas portée par un collectif, elle engage sa vie à travers sa propre conviction.
Les saisons de Rosemarie s’apparentent à un récit d’aventure, mais sans agitation d’armes, sans super-pouvoirs. Il parle d’aventures, mais le sujet n’est pas la confrontation du bien et du mal, c’est l’histoire d’une petite fille qui se jette dans un monde où la parole est une force, où le fait de parler constitue un acte déterminant, une volonté, une énergie.
Les mots d’aujourd’hui ont une légèreté sans limite et le mot n’est vain, sans force, que parce qu’il est vidé de son sens, on peut dire n’importe quoi, il est reçu comme une bulle. À l’âge de Rosemarie chaque mot prend sa place dans un tout, une globalité concrète.
Rosemarie n’est pas devenue l’héroïne parce qu’elle est une jolie petite fille dotée d’un coeur exceptionnel, elle va apprendre à se discipliner, apprendre l’amitié et le dévouement. Le talent de Rosemarie est de trouver la force, les ressources nécessaire pour grandir, survivre, et devenir un être humain.
Voilà pourquoi ce spectacle est destiné aux enfants qui auront 10 ans et ceux qui ont eu 10 ans.
Lucile Jourdan
ROSEMARIE ET MOI
« Enfant, je ne parlais pas beaucoup. En classe, j’écoutais les leçons sans ouvrir la bouche. Les professeurs me reprochaient souvent mon manque de participation. C’est pour faire plaisir à ma mère que je décidais un jour de lever la main en cours d’anglais. Je savais la réponse, et je voulais absolument la donner. Le professeur a dû être irrité par mon insistance, et il me demanda si c’était parce que j’avais envie de faire pipi que je trépignais de la sorte. Je me sentis humilié et ne dis plus jamais un mot en cours.
J’étais ce qu’on appelle un enfant timide….
J’ai cessé d’être vraiment timide le jour où je me suis rendu compte qu’il m’arrivait aussi de dire des choses amusantes, qui pouvaient faire rire les copains. Commença alors une période étrange où je me mis à parler sans cesse, à raconter des blagues que j’inventais, à dire tout ce qui me passait par la tête. Des fois, je remportais de francs succès, et j’étais fier d’entendre mes amis s’esclaffer à mes histoires, mais le plus souvent, c’était dans un silence gêné que nous repartions jouer au foot. Je me trouvais ridicule et je réappris à me taire.
Je n’écris pas pour les enfants, mais sur l’enfance. Ma seule question est celle de la constitution de l’identité personnelle…
Je n’ai aucune nostalgie de l’enfance. Pour moi, c’est le temps de l’interdit, des premières humiliations, des premières violences. La perte de l’innocence, c’est une histoire d’enfant. Ce n’est ni triste, ni déprimant. C’est simplement tragique, un tragique qui peut, qui doit faire rire. Et qui ouvre sur une autre période, pleine d’espoir et d’apaisement.
L’enfance c’est l’excès. Tout y est plus vif. C’est le temps de la démesure, de la dépense infinie, des premières expériences conduites sans retenue. Les sensations, les passions y sont aiguisées, ce qui entraîne cet aspect sombre et inquiétant….
Après le point de vue de Grosse Patate, j’ai eu envie de retrouver Rosemarie Peccola. Son âge est celui de la confusion…. Je voulais avec elle formuler les questions par lesquelles je suis passé et qui me font sourire aujourd’hui, alors qu’enfant moi-même elles me terrifiaient. Partager avec elle, et tous les enfants, un moment que j’ai traversé, retrouver la part de rêve qui me reste, adulte, et qui nous est commune. »
Dominique Richard